Des nouvelles du pays [PV Llaria]

Sian arrêta son cheval devant une grande demeure de l'un des quartiers chics et prit quelques secondes pour observer le bâtiment. Rien à dire, le palais n'avait pas hésité à investir pour se faire dignement représenter à Naerim…
Descendant rapidement de son étalon, elle passa la bride au jeune serviteur qui l'avait accompagnée et qui resterait à l'extérieur pour garder sa monture.
"Fais bien attention, surtout. Les rues de Naerim sont bien moins sûres que celles de Lestad…", lui fit-elle, plus pour la forme qu'autre chose alors qu'elle se détournait pour gagner le perron de la demeure. Et pas de n'importe quelle demeure… Il s'agissait de celle de Llariarith Sen, ambassadrice de Lestad à Naerim.

Sian n'avait que très peu de souvenirs de la jeune femme. Elle se souvenait vaguement l'avoir croisée quelques fois lors de certaines réceptions, de lui avait été présentée, mais il faut croire qu'aucune des deux n'avait vraiment accroché. Mais depuis que Llariarith était en poste à Naerim, la commerçante n'avait entendu que de bons échos à son sujet. Enfin, bons… Du point de vue de Sian, bien sûr!
Alors quand l'Intendant du palais, qui avait appris, allez savoir comment, qu'elle devait se rendre à Naerim, lui avait demandé si elle pouvait transmettre les dernières volontés de sa Majesté à l'ambassadrice, Sian n'avait pas eu besoin d'y réfléchir beaucoup!

Un petit sourire moqueur aux lèvres en souvenir de sa discussion avec l'intendant, la négociante se décida de frapper à la porte de la maison. Quelques instants plus tard, un sous-fifre, visiblement lestadien, ouvrit la porte et la toisa de haut en bas.
"Ouiiii?", demanda-t-il, de ce petit ton insultant que peuvent aisément prendre ce type de personnage.
Sian, qui n'aimait vraiment qu'on la prenne de haut, hésita quelques instants entre rendre coup pour coup au petit serviteur ou laisser passer l'insulte à peine voilée. Mais débuter cette journée par un scandale ne serait peut-être pas le meilleur moyen d'entrer en relation avec l'ambassadrice.
"Sian Déloïs… J'apporte les dernières directives de Lestad à l'ambassadrice…", répondit-elle donc, d'un ton polaire et tout sourire ayant disparu de ses lèvres pulpeuses.
L'homme, qui avait quelque peu pâli à l'entente de son nom de famille acquiesça rapidement et s'effaça de l'entrée.
"Je vous en prie, entrez Madame… Je… Je vais prévenir l'ambassadrice de votre venue."
Sian fit quelques pas dans le hall et, le visage totalement neutre, observa le serviteur détaler à toute allure pour aller chercher sa maîtresse. Laissant la marchande seule.
Il n'avait même pas pris la peine de vérifier son identité…

Le portier se précipita vers ses appartements où elle était venue se changer, le repas de midi était passé et il convenait à une dame de son rang de changer de tenue pour le reste de la journée. C'était même essentiel, pour une jeune femme aussi coquette que Llariarith.
Après avoir frappé de façon insistante et obtenu le droit d'ouvrir la porte il tomba nez à nez avec une ambassadrice encore à demi-dévêtue et son visage bovin vira à l'écarlate. Il bredouilla de vagues excuses que Llariarith balaya d'un revers de la main.

"Pourquoi me dérangez-vous ?"

Demanda-t-elle d'un ton sec et froid tout en laissant ses servantes finir de l'habiller. L'homme lui annonça la venue de Sian Deloïs d'un ton plus hésitant, sans doute encore perturbé par la vision de la jeune femme dont la nudité disparaissait peu à peu sous des étoffes précieuses et des bijoux de qualité.

Hochant la tête pour signifier qu'elle avait entendu la nouvelle elle le congédia d'un geste et enjoignit à ses servantes de se presser quelque peu. Elle put enfin quitter son boudoir vêtue d'une robe fendue dont le bleu azur mettait en valeur son teint pâle et ses longs cheveux blonds ainsi qu'une gorge généreuse ornée de saphirs.

"Bonjour, Dame Deloïs. Navrée de vous avoir fait attendre....Dans de telles conditions"

Ajouta-t-elle en constatant que la jeune marchande était encore dans l'entrée et n'avait pas été, comme il se doit, conduite dans le salon des visiteurs.

"Vous me pardonnerez, je n'en doute pas, cette précaution mais pourrais-je voir le sceau de votre famille ? Je ne crois pas avoir eu l'honneur de vous rencontrer avant aujourd'hui. Et au vu de la mine défaite de mon portier je crains qu'il n'ai oublié ce détail, comme il a oublié de vous faire entrer dans le petit salon et de vous proposer un rafraichissement après votre long voyage depuis Lestad."

Elle se tourna vers le portier qui blêmissait à vue d'oeil, sachant que sa maitresse n'était pas prompte à pardonner.

"Je vous laisserais décider de sa sanction, avant de me défaire de lui."

Tout en parlant elle se dirigeait, invitant la marchande à la suivre, vers le petit salon.

La jeune femme profita des quelques instants de silence qui suivirent la fuite du serviteur pour observer le hall dans lequel elle se tenait toujours. La touche lestadienne était clairement visible et lui donnait presque l'impression de ne pas avoir quitté sa chère cité. Pas qu'elle n'aimait pas l'architecture de Naerim mais les conceptions y étaient encore un peu chaotiques, mélanges plus ou moins équilibrés des quatre traditions qui s'y confrontaient.

Après quelques instants d'attente, Llariarith apparut, suivie de son serviteur toujours aussi nerveux.
Sian répondit à la salutation et s'inclina comme il se doit devant une ambassadrice (après tout, malgré leur excellente condition, les Déloïs ne faisaient pas partie de la noblesse).
"Votre Excellence…"
Llaria lui demanda ensuite de présenter son sceau et Sian se sentit quelque peu rassurée. Au moins, l'ambassadrice se rendait compte qu'on entrait chez elle comme dans un moulin. C'était déjà ça. Elle jeta alors un œil au portier et constata que, en effet, l'homme était devenu très pâle et semblait sur le point de défaillir. Un petit sourire entendu étira ses lèvres alors que la marchande extirpait de sous ses vêtements de voyage la bague en or massif qui pendait au bout d'une chaine. Après l'avoir montrée à l'ambassadrice, authentifiant ainsi son identité, elle remit la chevalière à sa place et suivit la maîtresse de maison dans un petit salon.
Sian ne fut pas mécontente de retrouver un peu de confort. Certes, les appartements qu'elle louait lors de ses escales à Naerim étaient très bien aménagés mais elle n'avait même pas pris le temps de s'y arrêter avant de venir.
"Ce ne serait pas de refus, Votre Excellence. Les nouvelles routes commencent déjà à se dégrader et le voyage entre Lestad et Naerim devient vraiment pénible..."

Bien consciente qu'un autre serviteur n'allait probablement pas tarder à arriver avec les rafraichissements dont l'ambassadrice venait de parler, Sian prit sur elle de ne pas tout de suite débuter la conversation sur la raison de sa venue et s'embarqua sur un sujet un peu plus bateau en attendant.
"Le service n'est plus ce qu'il était, malheureusement… J'ai récemment du m'occuper de deux nouveaux commis de cuisine qui ont tenté de menacer mon intendant jusqu'à ce qu'il les conduise à notre chambre forte. Si ce n'est pas triste…"
Et quand elle disait qu'elle s'en était "occupé", elle n'avait pas fait dans la dentelle.

"Les routes ont une tendance à se dégrader très rapidement, entre les brigands et les nids de poule voyager n'est agréable que les 10 jours qui suivent l'ouverture de la route malheureusement."

Le salon s'ornait de lourdes tentures de velours dissimulant murs et portes et donnait l'impression d'être rond plus que carré, aucun angle ne venait casser une harmonie douce et feutrée, une ambiance calme et apaisante. Les tons bleutés rappelaient l'eau et rafraichissaient d'une certaine façon l'atmosphère. Pas de canapé mais des coussins épais et confortables ornaient les tapis présents sur le sol. La petite table basse en verre bleuté était un vitrail représentant un paysage de Lestad et fut bientôt utilisée par un serviteur discret et souriant qui déposa des rafraichissements et quelques gateaux pour la voyageuse et l'ambassadrice.

"On ne peut plus se fier à personne, mon personnel est incompétent la plupart du temps mais je n'ai pas encore eu de souci de vol, plus depuis le premier à avoir tenté, un jeune homme charmant, efficace, discret, dont j'escomptais faire mon intendant, qui a été pris à fouiller dans mon secrétaire. Je l'ai fait flageller en place publique après l'avoir laissé croupir dans une geôle quelques jours et il a terminé écartelé. Depuis j'ai un peu de mal à trouver des serviteurs mais aucun ne tente de me voler."

Un léger sourire vint orner le visage fin de la jeune femme, elle connaissait Dame Deloïs de réputation et à priori ce genre d'histoire ne devrait pas la choquer outre mesure, sans quoi elle eut trouvé un autre sujet de conversation.
Après leur avoir versé à chacune un verre elle leva le sien avec un sourire amusé :

"Aux serviteurs compétents et honnêtes, qui se font si rares."

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